Stimuler la croissance


De nombreux pays européens sont confrontés au défi de réduire de manière crédible leur ratio dette/PIB. Stimuler la croissance de la production est donc une priorité politique et économique urgente et essentielle. Cet article soutient qu’une concurrence accrue sur le marché des principales activités de services en amont – en particulier l’énergie et les services professionnels – pourrait avoir des effets considérables sur la croissance en améliorant la performance des industries manufacturières en aval.
De nombreux pays européens sont confrontés au défi de réduire de manière crédible leur ratio dette/PIB. Stimuler la croissance de la production est donc une priorité politique et économique urgente et essentielle. Compte tenu des contraintes existantes aux mesures du côté de la demande, la plupart des observateurs considèrent les réformes structurelles (du côté de l’offre) comme le principal outil politique dont ces pays disposent pour se sortir de leurs problèmes d’endettement (par exemple Ivanova et al. 2011, Fernandez-Villaverde et Rubio-Ramirez 2011, Amato et al. 2010). La mesure spécifique sur laquelle ils devraient se concentrer et les gains à attendre de telles réformes sont cependant moins clairs.
Sur la base de recherches récentes sur les données de l’OCDE, cet article soutient que l’augmentation de la concurrence sur le marché des principales activités de services en amont – en particulier l’énergie et les services professionnels – pourrait avoir des effets considérables sur la croissance en améliorant les performances des industries manufacturières en aval.
Dans de nombreux pays, les intrants clés tels que les services professionnels, l’énergie, les transports et les services de télécommunication sont non seulement à peine échangés au niveau international, mais également protégés de la concurrence intérieure par des restrictions administratives importantes, notamment :
les barrières monétaires et non monétaires à l’entrée sur le marché;
l’intégration d’activités a priori concurrentielles avec des monopoles naturels (comme dans le cas de l’énergie) ; ou
l’existence de restrictions à la conduite sur le marché (comme dans les services professionnels).
De telles restrictions ont des effets négatifs sur la croissance des services, notamment parce qu’elles réduisent les investissements (Alesina et al. 2005). Cet effet négatif direct n’est cependant qu’une partie de l’histoire. En combinant les indices de réglementation des services avec les données de croissance des industries manufacturières pour un échantillon de pays de l’OCDE, nous avons montré qu’il existe également des effets indirects importants, de la réglementation des services à la performance des activités en aval (Barone et Cingano 2011). Il est intéressant de noter que des résultats similaires sont obtenus par d’autres travaux étudiant la même question avec des approches différentes (voir Bourlès et al. 2010, Arnold et al. 2011).
Nos études examinent les taux de croissance différentiels entre les industries ayant des intensités différentes dans l’utilisation des services réglementés et testent si les pays avec moins de réglementation des services voient une croissance plus rapide dans les industries à forte intensité de services (par rapport aux autres industries). Les estimations tiennent compte de tous les facteurs idiosyncratiques spécifiques au pays et à l’industrie qui pourraient influencer la croissance, tels que les dotations en capital humain ou physique ou la qualité des institutions.
Nos résultats indiquent qu’une baisse de la réglementation des services, telle que mesurée par les indicateurs de réglementation sectorielle de l’OCDE, aurait des effets positifs non négligeables sur les utilisateurs intensifs de services en termes de valeur ajoutée, de productivité et de croissance des exportations.
Pour donner une idée de la pertinence économique de nos résultats, considérons une réduction des restrictions anticoncurrentielles du niveau élevé d’un pays comme la France à celles du Canada. Nos résultats impliquent que le taux de croissance annuel de la valeur ajoutée d’une industrie à forte intensité de services (comme la pâte à papier, le papier et l’imprimerie ») par rapport aux industries moins intensives (comme la fabrication de produits métalliques ») augmenterait de près d’un point de pourcentage. Il s’agit d’une amélioration significative de la performance des industries manufacturières, dont le taux de croissance annuel médian était de 1,8 % dans notre échantillon. Des grandeurs implicites similaires sont obtenues en examinant l’impact de la déréglementation des services sur la croissance de la productivité (du travail) et la croissance des exportations.
Notre analyse souligne également que le résultat est principalement tiré par la réduction de la réglementation anticoncurrentielle dans les secteurs de l’énergie (électricité et gaz) et parmi les professions (services juridiques, comptables, d’ingénierie et d’architecture). Réduire la régulation de l’énergie implique de faciliter l’accès des tiers au réseau de transport et/ou d’augmenter le degré de séparation verticale entre les segments de transport et de production. Dans le cas des professions, cela implique l’abaissement des barrières à l’entrée (par exemple, pour les entreprises étrangères) et la soi-disant réglementation de la conduite (y compris les restrictions sur les prix et les honoraires, sur la publicité, sur la forme d’entreprise ou sur la possibilité de coopération entre professionnels).
La marge de manœuvre pour une plus grande déréglementation des services en Europe semble considérable. Selon les indices de l’OCDE utilisés dans la recherche en 2008, par exemple, le nombre de restrictions dans les services professionnels dans des pays comme l’Italie et la Grèce (et l’Espagne et la France) était trois (et deux) fois plus élevé, respectivement, qu’aux États-Unis et le Royaume-Uni.


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