Sortir de la complexité avec Abelard


Sauf sur la planète arabe, il y avait clairement peu d’exercice de logique entre l’époque de Boèce et le XIIe siècle. Certes, Byzance n’a absolument rien créé de conscience. Dans les pays d’Europe latine, il y a eu quelques écrivains, dont Alcuin d’York (vers 730-804) et Garland the Computist (prospéré vers 1040). Mais ce n’est qu’au cours du XIe siècle qu’un intérêt considérable pour le raisonnement se ranime. Saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109) a parlé de questions sémantiques dans son De grammatico et a étudié les notions de possibilité et de nécessité en le faisant à travers des fragments, mais ces textes étaient sans grande influence. Plus essentielle était la méthode générale d’Anselme d’utiliser des techniques rationnelles en théologie. Son exemple a donné le ton à beaucoup de choses auxquelles il fallait adhérer. Le tout premier logicien latin essentiel juste après Boèce était Pierre Abélard (1079-1142). Il a publié 3 groupes de commentaires et de gloses sur l’Isagoge de Porphyre et les Catégories et De interprétation d’Aristote ; il s’agissait des Introductiones parvulorum (contenant également des gloses sur certains écrits de Boèce), Logica « Ingredientibus » et Logica « Nostrorum pétitioni sociorum » (autour de l’Isagoge seulement), ainsi que le traité indépendant Dialectica (existant dans une certaine mesure). Ces fonctions témoignent d’une familiarité avec Boèce mais le dépassent. Parmi les sujets abordés avec perspicacité par Abélard, il y aurait la part de la copule dans les propositions catégoriques, les effets des différentes positions du signe de négation dans les propositions catégoriques, les notions modales comme la « possibilité », les futurs contingents (comme pris en charge, par exemple, dans le chapitre 9 du De interprete d’Aristote), et les propositions conditionnelles ou « conséquences ». Les recherches fécondes d’Abélard élèvent à un autre degré la recherche rationnelle dans l’Europe médiévale. Son accomplissement est encore plus remarquable, car les sources à son enlèvement étaient exactement les mêmes types que ceux qui avaient été obtenus dans les pays européens au cours des 600 années précédentes : les Groupes et De interprete d’Aristote et l’Isagoge de Porphyre, ainsi que les commentaires et les traités impartiaux de Boèce. Cependant, même du vivant d’Abélard, les choses se sont transformées. Après environ 1120, les traductions de Boèce des Analyses précédentes, des sujets et des réfutations sophistiques d’Aristote ont commencé à circuler. À un moment donné dans le 2ème quart du 12ème siècle, David de Venise a traduit l’Analytique postérieure du grec ancien, qui a ainsi créé le tout à partir de l’Organon disponible en latin. Ces nouvelles fonctions aristotéliciennes facilement disponibles étaient connues conjointement sous le nom de Logica nova (« Nouvelle Logique »). Dans une rafale d’exercices, d’autres, aux XIIe et XIIIe siècles, ont produit des traductions supplémentaires de ces œuvres et de leurs commentaires en grec ancien et en arabe, ainsi qu’un certain nombre d’autres articles philosophiques et d’autres œuvres de sources grecques et arabes anciennes. Les réfutations sophistiques se sont avérées un catalyseur essentiel dans le développement de la logique du moyen âge. Il s’agit d’un petit catalogue d’erreurs, comment les éviter et comment piéger les autres à les commettre. Le travail est très discutable. De nombreux types d’erreurs ne sont pas discutés, et celles qui le sont auraient pu être traitées d’une manière différente. Contrairement aux analyses postérieures, les réfutations sophistiques étaient relativement claires et compréhensibles. Et contrairement aux Statistiques précédentes – où, mis à part la syllogistique modale, Aristote avait laissé peu de choses à faire – il y avait clairement encore beaucoup à étudier au sujet des sophismes. De plus, la découverte des sophismes était particulièrement importante en théologie, en particulier dans les doctrines de la Trinité et de l’Incarnation. En un mot, le Sophistic Refutations a été conçu sur mesure pour entraîner l’ingéniosité logique du 12ème siècle. Et c’est précisément ce qui s’est passé.